Simple boutade? Pas sûr du tout, lisez la suite. En flanant dans mes archives, je suis tombé en arrêt devant une série de portraits de Marylin Monroe à toutes les sauces, par Ilene Astrahan (IEEE Computer Graphics and Applications, Mai 1992, p.9), et notamment une image "Marylin & Julia" montrant un visage solarisé de Marylin devant une fractale de Julia, c'est-à-dire quasiment du Mandelbrot. Bien sûr, un portrait n'a pas la dimension érotique d'un nu féminin, mais le choix de Marylin Monroe est tout de même assez significatif. Comme Ilene Astrahan était qualifiée d'artiste dans l'article, et que le propre d'un artiste est de faire de l'art, la boutade prend tout à coup une odeur de sérieux. Une petite recherche sur le Web (par exemple, interrogez Altavista sur "Ilene Astrahan") confirme ce statut d'artiste, à travers quelques expositions récentes auxquelles elle a participé - bien qu'il semble aussi que ce soit toujours les mêmes oeuvres anciennes qui soient citées. En fait, l'article était bien consacré au computer art, mais la présence d'autres variantes conférait plutôt un caractère d'exercice à cette image, d'autant qu'on était alors en pleine exploration des possibilités de l'outil informatique. Cette image, non reproduite ici, paraîtrait maintenant assez mièvre, mais il faut faire la part d'une reproduction médiocre dans la revue et des limitations techniques du moment (l'auteur travaillait sur un simple Amiga 2000). Il est donc tentant de reprendre l'exercice avec les moyens d'aujourd'hui, à peine six ans plus tard, mais pendant lesquels la technique a galopé.
Bon, ça a l'air de se tenir, non ?
Peut-être pas, finalement ? Le visage a été artificialisé pour se rapprocher du fond, mais est-ce suffisant pour la réussite du mariage ? N'y a-t-il pas trop de couleurs dans le fond ? (J'ai bien essayé d'en enlever, mais je n'ai rien obtenu qui me plaise davantage...) D'un autre côté, quelle relation peut-on bien trouver entre le visage et le fond qui apporte une nécessité interne à cet assemblage ? Marilyn, même peinte en bleu, véhicule une aura très charnelle qui n'a décidément que fort peu voir avec les abstractions du fond (à moins qu'on ne décide d'y voir un parallèle avec son mariage malheureux avec un Arthur Miller trop intellectuel ?) Je sens que l'image tient surtout par la puissance de ce visage et du symbole que nous en avons fait ; je ne suis pas certain que le fond soutienne ce visage.
On aura deviné que j'ai un faible particulier pour ce visage d'Audrey Hepburn, que mon jugement s'en trouve probablement affecté, et que cette nouvelle expérience n'est peut-être pas si concluante que ça. Il restait donc à recommencer encore une fois, mais avec un visage neuf, qui ne véhicule aucun fantasme auprès du public. J'ai donc emprunté le visage d'une Morgane à un ami, et j'ai cherché une image de Mandelbrot qui puisse l'accompagner. Je n'ai pas pris la même image, parce qu'on ne peut tout de même pas coller n'importe quelle tête sur n'importe quel fond. Ce choix est largement une affaire d'intuition ; ce n'est qu'après coup qu'on peut rationaliser pourquoi ça marche. Le résultat est montré ci-dessous.
En conclusion, il est peu probable que trois essais intéressants ne soient que trois coups de chance ; il y a certainement quelque chose à creuser derrière cette boutade de la jolie fille. On notera toutefois qu'il n'y a pas de corps dans ces trois images, seulement des visages ; cela fait pratiquement disparaître le sous-entendu érotique, trivial, de la boutade. L'image originale de Morgane est de Pierre Le Cabec |
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