Notion de dimension fractale | Page précédente |
On peut se demander en quoi la notion de dimension fractale d'une courbe ou d'une surface fractale peut nous aider à démêler les relations entre les images fractales et l'art. En fait je n'ai inclus cette page que pour essayer d'expliquer certains points des commentaires sur les peintures fractalistes, à propos des images "non euclidiennes". Benoît Mandelbrot dans son livre Les objets fractals propose plusieurs définitions de cette notion de dimension fractale, qui ("en général", dit-il) aboutissent au même résultat. Le raisonnement le plus simple pour un non-mathématicien consiste à partir d'un problème apparemment simple: quelle est la longueur d'une ligne fractale ? Par exemple, très concrètement, quelle est la longueur des côtes de Bretagne ? Le résultat surprenant est que ça dépend avec quelle règle
on fait la mesure: plus elle est petite, plus la longueur trouvée est
grande.
Ne pensez pas que cette "approximation" polygonale soit catastrophique. Imaginez que la petite figure ci-contre soit prolongée sur un mètre et reculez de dix à vingt mètres: il y a fort à parier que vous ne saurez pas distinguer la fractale en noir (dont les détails seront estompés par la distance) du contour polygonal en bleu. De même, quand on "trace" une fractale à l'écran ou à l'imprimante, ce qu'on trace en réalité est plutôt une approximation polygonale dont le côté correspond à la distance entre deux pixels. Une fois construite une première approximation polygonale et que sa longueur est notée, on divise la règle par 2 et on recommence. Dans le cas des courbes classiques, le résultat se stabilise très vite, et on obtient ainsi la "longueur" de la courbe. Par contre, dans le cas des courbes fractales, cette longueur polygonale augmente vers l'infini, plus précisément comme L / L**D (L à la puissance D en dénominateur - que les non-mathématiciens me pardonnent, mais on ne peut pas éviter indéfiniment toute mathématique !), où L est le côté du polygone et D un nombre caractéristique de la courbe fractale, compris entre 1 et 2 pour les fractales sans point double (c.à.d. qui ne se recoupent pas). Pour ceux qui sont vraiment allergiques aux formules, disons que D caractérise la croissance vers l'infini de la longueur mesurée ; plus D est grand, plus la croissance est rapide. On peut facilement évaluer D pour les courbes de Von Koch, où chaque étape d'itération fournit à chaque fois une approximation polygonale convenable. Dans le cas illustré ci-dessous, les mathématiciens trouvent D = log 2 / log (2 cos a / 2), ce qui conduit aux valeurs indiquées sur la droite. ![]() En géométrie ordinaire, on dit qu'une courbe est un espace à 1 dimension précisément parce qu'on sait mesurer les longueurs le long de la courbe et qu'on peut repérer tout point de la courbe par un seul nombre, son abscisse, c.à.d. sa distance depuis le point pris comme origine. De même, toujours en géométrie ordinaire, on dit que les surfaces sont des espaces à 2 dimension parce qu'il suffit de 2 coordonnées pour en repérer les points. Ces nombres entiers 1 ou 2 sont appelés dimensions euclidiennes. Il est impossible de désigner ainsi un point d'une fractale, puisqu'on ne peut pas mesurer de longueur le long de la fractale. Une ligne fractale dessinée dans un plan appartient bien à ce plan, de dimension 2, mais on ne peut pas dire qu'elle soit de dimension 1. Par contre, on dispose du nombre D, nombre réel, qui est proche de 1 quand la fractale est "plutôt" lisse, qui augmente quand la fractale devient plus accidentée, et qui tend vers 2 quand la fractale remplit la portion de plan qui lui sert de support, c.à.d. quand la fractale ressemble à une surface. En quelque sorte, ces fractales réalisent une sorte d'évolution entre les courbes lisses et les surfaces de la géométrie classique, alors que le nombre D évolue de 1, dimension euclidienne d'une courbe lisse, à 2, dimension euclidienne d'un morceau de plan. Pour cette raison, ce nombre D est appelée dimension fractale de la courbe fractale. On trouvera des considérations beaucoup plus savantes dans l'ouvrage de Benoît Mandelbrot, notamment avec diverses façons de définir la dimension fractale. Si on veut à la fois une lecture plus facile et un exposé plus précis que le mien (avec un peu plus de mathématiques, mais sans excès), on pourra aller sur le site de Glenn Elert.
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